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Amarchords - Music Love Supreme
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17 octobre 2008

SAGA : 30e épisode / ANNEES BUFFETTISTES VI : PREMIERE TOURNEE HELVETIQUE

Bonjour à toutes et tous...Un petit aparté : je reprends enfin le cours de ma longue "SAGA" professionnelle...
ces derniers mois ont été marqués surtout par la conclusion -ni brutale, ni tragique- de cette belle aventure avec le monde du "business de la musique", commencée il y quarante ans déjà...

Heureusement, ce ne sera pas du tout pour moi la fin de ma passion musicale, bien au contraire...Puisque désormais, entre trois ou quatre accords de guitares, une visite à un ex-confrère, un concert de jazz ou autre (Lundi c'était la grande prêtresse "folk" Joan BAEZ à qui je dédiais mes applaudissements, mais , la veille, c'était à Rhoda SCOTT, la déesse aux pieds nus de l' orgue "HAMMOND" et à son quartet de dames "Lady Quartet", que j'ai consacré ma soirée...), un déjeuner avec d'anciens clients devenus très bons amis, quelques coups d' aviron sur la Marne et quelques brasses à la piscine de la Butte aux Cailles, je vais trouver le temps de finir de vous raconter ces petits évènements qui m'ont rapproché de tant de sympathiques figures du monde musical!

Nous voici donc à l' automne 75...J'ai décidé, en accord avec Roland KURZ, de ne pas attendre pour aller porter la bonne parole en Suisse, avant que les rigueurs de l' hiver ne m'empêchent de circuler dans ce beau pays que je vais découvrir...
Le voyage devrait être d'autant plus agréable que l'on vient de mettre à ma disposition un véhicule "de rêve" ...
Jugez-en : Citroën DS 21 "Pallas", injection, intérieur cuir...La voiture de l'ancien président Jean Blondelet ( que je rencontrerai ultérieurement chez "ARLOD" une petite société qu'il a créée pour "caser" d'anciens employés de confiance et aussi pour s'occuper un peu lui-même...)
J'avoue que je ne suis pas peu fier d' être véhiculé par un engin aussi prestigieux...Sans parler du confort pour les longs voyages, et de l' espace pour emporter des échantillons ! Car "contrairement à certains", j'ai bien l'intention de me présenter chez nos clients avec autre chose que des chaussures et un carrosse rutilants, une cravate en soie et une montre de prix au poignet...Nous ne mangeons pas de ce pain-là, nous autres !!! Nous sommes des besogneux ! Et, comme tels, je mets un point d'honneur à charger le véhicule avec un certain nombre d'instruments, jugez-en : un étui géant pour SIX clarinettes, un sax alto et un soprano (peut-être un ténor, je ne sais plus ) quelques étuis "WINTER" pour violons et archets, contenant un échantillonnage de la lutherie" RODERICH PAESOLD", produits de notre groupe...Une guitare "MARTIN THE NETHERLANDS BV -ex-Egmond- )avec son étui..., une trompette "YORK", un ou deux cartons de catalogues et tarifs, et ma valise ("DELSEY" grand modèle) avec le nécessaire pour presque deux semaines...Car, compte tenu de la distance, j'ai prévu de ne pas revenir avant d'avoir visité quasiment tous les lieux importants pour nos affaires, à savoir : FRIBOURG ( je dois y rencontrer Hubert BABEY, un bassoniste qui veut acheter un instrument adapté particulièrement à un petit handicap dû à la perte d'une phalange), puis GENEVE, LAUSANNE, MONTREUX, VEVEY, BEX, ensuite passer en "SUISSE ITALIENNE" -le fameux TESSIN : Lugano, Ascona..., puis revenir par BERNE ( exceptionnellement car en principe je ne visite pas encore la Suisse "alémanique", mais monsieur Karl BURRI, grand maître devant l' éternel de la "lutherie des vents" en Suisse, a organisé une soirée de démonstaration au cours de laquelle interviendront d'éminents solistes comme le regretté Thomas FRIEDLI (disparu tragiquement en montagne en 2007), Robert KEMBLINSKY, ou encore Anthony MORF qui deviendront rapidement des amis...)
Je devrai également rencontrer quelques luthiers (violons) pour tenter de proposer nos archets, voire même nos violons, et terminer mon voyage par le Jura...Du coup je passerai au retour par Besançon et Mulhouse, pour faire "bon poids".
Le voyage a été minutieusement préparé...A l' époque , pas d'internet, mais de bonnes vieilles cartes routière "MICHELIN"...L'itinéraire a été pensé au mieux, même si les aléas du parcours m'obligeront parfois à revenir en arrière pour des raisons de rendez-vous parfois impossible à faire succéder dans l'ordre géographique... Tous mes futurs "prospects" ont reçu une lettre leur annonçant ma visite, avec suffisamment de délai pour m'appeler avant mon départ s' il y avait un problème...Je me suis équipé d'un magnifique petit bijou photographique "OLYMPUS PEN EE", et d'un magnétophone à cassette pour y dicter mes impressions et commentaires...
Petit détail...j'ai ma provision de...cigarettes pour la route...Eh oui, à l' époque, je grille quelques "CRAVEN A", DUNHILL , ou encore des "SENIOR SERVICE", voire des "LUCKY STRIKE"...pas de préférence particulière...Mais toujours, tabac blond, anglaises ou américaines ...Heureusement , pas plus de 8 à 10 ou 12 par jour...
Voyageant seul en voiture, ces "poisons" vont servir à "cadencer" mes parcours! Par exemple : une première "sèche" après le premier péage...puis la suivante deux ou trois cents kilomètres après, etc... une autre après le premier plein d'essence...
"En route pour la gloire", nous dirait Woody Guthrie...Pour moi c'est la grande aventure...Ma collègue Joelle ( BRESSON) a veillé à ce que tous les instruments soient consignés sur une facture pro-forma, et nous avons pensé que cela me permettrait de passer la frontière franco-helvétique sans problème ! C'est mal connaître la conscience professionnelle tatillonne des "gabelous" du pays de Guillaume Tell...
Je suis donc tenu de passer la nuit dans un hôtel pour attendre l'ouverture du bureau des douanes le lendemain matin , car on va PESER chaque produit, pour me faire payer une caution calculée selon le système suisse, non seulement sur la valeur déclarée des produits, mais sur leur POIDS...Hallucinant... le pourcentage étant différent sur un kilo de clarinettes d'un kilo d' archets, lui même différent du kilo de saxophone !!!
De plus, je n'ai pas de liquidités pour payer la caution, il va falloir que mes collègues fassent un virement express sur le compte de la Douane Suisse, et que j'attende réception de la somme (heureusement ça se passe par le télégraphe à l' époque)

Me voici donc bloqué dans un petit hôtel triste tout près de la frontière...sans télé,mais avec la radio quand même...

Le lendemain, j'assiste à la pesée de mes marchandises...J' ai du mal à réprimer mes sourires en voyant l'application méticuleuse des fonctionnaires... Quelques heures après, tout est arrangé et je peux enfin découvrir ce joli pays...

Attendu à FRIBOURG par H. Babey, je vais passer une soirée délicieuse auprès de gens charmants, qui m'ont réservé une chambre chez eux ! L' hospitalité suisse...J' aurai maintes fois l'occasion d' en être l'objet, à Echallens chez Robert et Annette KEMBLINSKI, à Bâle chez Anthony MORF ou chez Iwan ROTH, entre autres...

Le lendemain, premier grand rendez-vous "professionnel" à LAUSANNE chez "HUG & FOETISCH", un grand magasin égaement éditeur connu...l' adresse : "Grand Pont"...Un très bel endroit mais pas pratique du tout pour y stationner...Je vais l' apprendre à mes dépens, devant faire pas moins de trois aller-retours entre ma voiture- garée à plusieurs centaines de mètres- et le magasin, finalement pour un résultat nul...La prochaine fois, je m'assurerai que les personnes que je dois rencontrer sont bien présentes, qu'elles ont le temps de me recevoir et que, enfin, elles souhaitent voir mes échantillons...En fait, la personne responsable des instuments à vent me reçoit courtoisement il est vrai (c'est un Français naturalisé Suisse), mais, d'une part me fait comprendre que le commerce des instruments à vent ne représente qu'une part infime de leur business, basée essentiellement sur la vente des claviers et pianos (en fait ce magasin est une sorte de "PAUL BEUSCHER local" ), mais aussi que les professeurs lausannois -clarinette, saxophones, hautbois ou bassons- se servent pour la plupart chez Karl BURRI à Berne, ou chez SERVETTE MUSIQUE (René et Otto HAGMANN) à Genève...En effet, contrairement à ces derniers, le grand magasin Vaudois ne dispose pas d'un service après-vente spécifique aux instruments à vent...
Ce phénomène m'apparaîtra plus tard comme la clé de voûte de tout le système de distribution de nos produits, mais pour l'instant je n'en ai pas pris la mesure...
Je quitte donc ce premier client et termine mes visites chez un luthier très connu (évidemment, pas intéressé par des produits "de marque", les luthiers préférant acheter des produits semi-finis qu'ils modifient à leur gré et vendent sous leur propre nom, réalisant ainsi de substantiels bénéfices, ou tout simplement pour les plus connus d'entre eux, ne commercialiser que leur propre production...Il faut tout de même être conscient du fait que violons, altos, violoncelles et archets peuvent atteindre des prix pharamineux...Plusieurs dizaines de milliers de francs de l' époque pour un violon de professionnel, plusieurs milliers pour un "simple" archet -Même un instrument d'étude ne se négocie pas au-dessous du prix d'une clarinette ou d'un saxophone... Et les luthiers forment un monde à part, c' est un peu la "caste supérieure", à surtout ne pas confondre avec les "marchands"...Ce même état de choses existera dans le domaine des vents, je le rencontrerai bientôt....)

Pour l'instant, je vais rejoindre mon hôtel, et, pour me remettre de mes émotions (!) je vais dîner dans un excellent restaurant " Les trois petits cochons" si j'ai bonne mémoire, où je vais apprécier de fabuleux ris de veau !!! C'est un peu cher il est vrai, mais, après tout, j' y ai bien droit...Tant pis pour les finances de la société !!!

Demain j'irai vers Genève pour y retrouver René HAGMANN et son père, premières personnes que j' aie connues à  Francfort en Mars dernier...

Le lendemain, en route vers Genève...A neuf heures j'ai pu stationner avenue de la Servette, tout près du magasin à l'angle de la rue Racine...Les HAGMANN me reçoivent avec déférence; quel bonheur de se sentir apprécié...Je visite leur magasin, entièrement voué aux "vents", propre, bien rangé -Suisse quoi ! - L'atelier est une vrai merveille digne d'un horloger...Messieurs Hagmann père et fils y officient tôt le matin , boutique fermée intentionnellement jusqu'à  onze heures pour ne pas être dérangés pendant les travaux de précision...Comme d'ailleurs l'explique le message de leur répondeur téléphonique !

Ils me confirment également la tendance des professeurs à confier leurs instruments au grand Karl BURRI, mais se sont fait un bonne clientèle chez les professeurs du conservatoire de Genève et des écoles avoisinantes, et également dans le domaine du jazz "traditionnel" -entendez "New Orléans" - qui a beaucoup de succès là-bas. René HAGMANN joue lui-même des cuivres (petit tuba ou euphonium) et du saxophone; son père du trombone...Les Suisses sont très musiciens...Tout village du Valais par exemple se doit d'avoir sa fanfare ou son harmonie, et on ne s'équipe qu'en instruments de classe , jugez-en:

-les clarinettes sont à  80% BUFFET CRAMPON, le reste essentiellement NOBLET et LEBLANC, grâce à l'organisation mise en place justement par Karl BURRI, distributeur de la respectable marque française ( à l' époque n° 1 mondial en quantité pour les instruments d' étude et les clarinettes dites " d' harmonie" -clarinettes-alto, cors de basset, et surtout clarinettes basses )

-Les saxophones sont à  70% SELMER, le reste essentiellement BUFFET CRAMPON et une marque que je vais découvrir "YANAGISAWA"

Les hautbois surtout " RIGOUTAT" et aussi "MARIGAUX"... Certains professionnels ont opté pour la production minimaliste et extrêmement chère d'un personnage qui fera souvent parler de lui dans le métier, un certain "DUPIN", encore un Français émigré en Suisse, qui collaborera même dans les années quate vignt avec BUFFET CRAMPON...

Les cuivres sont répartis comme suit :
cornets, trompettes : COURTOIS, GETZEN, BACH
trombones : COURTOIS, KING
Euphoniums, tubas : COURTOIS et surtout BESSON ( Boosey & Hawkes)...Nous reviendrons plus tard sur cette très grande firme anglaise qui fut par la suite propriétaire de BUFFET CRAMPON ( la raison essentielle de mon départ volontaire de cette société en 1985), avant de sombrer dan la faillite et l'oubli total de nos jours...juste retour des choses, c'est désormais BUFFET CRAAMPON qui est le détenteur de la marque BESSON - un marque d'origine française d'ailleurs...)
bassons : BUFFET CRAMPON, mais également de nombreuse marques allemandes (HECKEL, PÜCHNER,SCHREIBER), le "fagott" tendant à venir se substituer à notre système...

Il faut dire que les instruments de provenance étrangère à l' Europe sont très peu taxés, et si les commerçants frontaliers comme SERVETTE ont parfois des problèmes avec certains clients qui vont acheter les instruments français de l' autre côté de la frontière, bénéficiant ainsi de la détaxe, a-contrario, nombreux sont les français qui viennent non seulement des régions proches, mais aussi de Paris ou Lille pour acquérir des produits de haut-de-gamme américains ou japonais (comme les flûtes MURAMATSU ou SANKYO) quasiment à  moitié-prix !!!

Par contre, YAMAHA n'a pas encore réalisé son O.P.A sur le monde de la musique en Suisse...Peut-être, dirais-je en parodiant un publicité célèbre, parce que "PAS ASSEZ CHER MES FILS " !!! En fait, le géant nippon n'a pas encore de gamme supérieure satisfaisante pour ce marché atypique - mais il saura très rapidement pallier ce vide avec ses produits "CUSTOM"...

Cette visite Genevoise sera très agréable et productive ( première commande "substantielle" ) et aussi marquera le début d'une relation amicale et fructueuse avec les HAGMANN ( le père, hélas, disparaîtra de manière extrêment brutale quelques années plus tard, fauché par un véhicule incontrôlé, alors qu'il traversait une route en compagnie des membres d'un jury, pour fêter le triomphe du bassoniste Gilbert Audin au concours international de Genève...)

Un détail qui compte : mes clients se font une joie de m'inviter à déjeuner...ils me font ainsi découvrir des spécialité suisses et leurs délicieux vins...Contrairement à ce que je rencontrerai trop souvent en France, la visite d'un représentant est un petit événement qu'ils apprécient et ils mettent un point d'honneur à me traiter au mieux...Ce sera le cas tout au long de ces dix années "BUFFETTISTES", et c'est aussi un des meilleurs souvenirs de cette période...

Après une excellente nuit passée dans un hôtel recommandé par les HAGMANN, je vais prendre la route vers le Valais, où je dois renconter un ancien client, monsieur Vesin à BEX ,petite ville du coin, qui a jadis passé de bonnes  commandes...

Cette tournée étant relativement foisonnante de détails, je vais la scinder en deux ou trois épisodes...Suite très bientôt !!!

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